Un peu d'histoire...

Bien présente dans le camp des vainqueurs, la Serbie va pouvoir réaliser son rêve d'une union de tous les peuples Slaves du Sud... A l'image des députés unionistes du petit voisin monténégrin qui ont facilité cette politique, les représentants slovènes, croates et serbes des territoires austro-hongrois réunis en Conseil national à Zagreb vont également, dès la fin novembre 1918, proclamer "l'union dans un seul État des Serbes, Croates et Slovènes". Tous les problèmes sont cependant loin d'être réglés, à commencer par le statut de la nouvelle entité. Si les Serbes sont favorables à un royaume unitaire (la "Grande Serbie"), thèse défendue par le prince régent Alexandre (il succèdera à son père, Pierre Ier, en août 1921), en revanche les Croates, déjà habitués à une assez large autonomie vis à vis de la Hongrie au temps des Habsbourg, refusent tout centralisme serbe et réclament la voie du fédéralisme. Cette question s'avère d'autant plus importante que le nouvel État doit faire cohabiter des peuples très différents (Slovènes et Croates catholiques, Serbes et Monténégrins orthodoxes, auxquels il faut ajouter des minorités plus ou moins fortes: hongroise, allemande, albanaise, turque, roumaine,...). En guise d'appaisement on choisit de nommer le nouvel État "Royaume des Serbes, Croates et Slovènes".

L'avènement du fascisme en Italie et les menaces que ses revendications territoriales font peser sur le jeune royaume vont pour un temps calmer les tensions intérieures, le nationaliste croate Raditch se ralliant en 1925 à l'unité de l'État yougoslave et à une entente avec les Serbes. Mais, assez rapidement, il dénonce à nouveau la domination des Serbes sur le pays ce qui lui vaut, en juin 1928, d'être abattu en pleine assemblée yougoslave par un député monténégrin. En décembre de la même année, des troubles éclatent à Zagreb, en Croatie, malgré les tentatives d'appaisement du nouveau gouvernement. Début janvier 1929, pour sauver l'unité du pays et parer à tout risque extérieur, le roi Alexandre Ier renvoie le Parlement , suspend la Constitution et interdit les partis politiques, instaurant de fait une dictature, tandis qu'en octobre 1929 le "Royaume des Serbes, Croates et Slovènes" devient officiellement la Yougoslavie.

Les tensions restent donc très vives, en particulier chez les Croates qui s'estiment "opprimés par les Serbes", certains s'engageant dans la voie terroriste comme le démontre l'assassinat du roi Alexandre Ier à Marseille, en octobre 1934. Son fils, Pierre, n'ayant que 11 ans, la régence est confiée au cousin germain d'Alexandre, le prince Paul. Si sur le plan politique ce dernier est favorable au rétablissement de la démocratie, en revanche il reste intransigeant sur la question de l'unité nationale, les séparatistes croates restant actifs, en particulier au sein de l'Oustacha d'Ante Pavelic. En octobre 1937 les Croates concluent une alliance électorale avec l'opposition serbe qui, après les résultats des élections législatives de décembre 1938, entraîne la chute du gouvernement en place. En août 1939, un accord est conclu entre Serbes et Croates: en échange de la reconnaissance de l'unité de la Yougoslavie et de la monarchie, est créée la "banovine autonome de Croatie".

Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate, la Yougoslavie essaie de rester neutre. Pourtant, l'infléchissement de la politique du régent Paul en faveur de l'Allemagne pousse le jeune roi Pierre II a prendre la tête de l'opposition favorable aux Alliés et à s'emparer du pouvoir: cela entraîne l'invasion du pays par les forces allemandes en avril 1941... Pierre II se réfugie alors en Angleterre tandis que la Yougoslavie, en grande partie démentelée, doit faire face à des luttes intestines à la fois ethniques et politiques. C'est le courant communiste de Josip Broz "Tito" qui va l'emporter après la libération du pays par ses troupes, la Yougoslavie devenant officiellement une République fédérative socialiste...