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Contrairement à l'Estonie et à la Lettonie, la Lituanie a existé en tant qu'État dès le moyen-âge...
Un peu d'histoire...
Afin de s'opposer plus efficacement à l'expansion territoriale des chevaliers Teutoniques et des chevaliers Porte-Glaive, c'est dans la première moitié du XIII°siècle que Mindaugas réunit les différentes tribus païennes vivant dans cette partie de l'Europe pour créer le Grand-duché de Lituanie. Au milieu du XIII°siècle, il se convertit au catholicisme et prend le titre de roi de Lituanie. Au début du XIV°siècle, le grand-duc Gediminas puis ses successeurs vont conquérir un vaste territoire qui amène la Lituanie jusqu'aux rives de la mer Noire. C'est à cette époque que des liens étroits se nouent entre Lituaniens et Polonais après la mariage de la reine de Pologne, Hedwige d'Anjou, et le grand-duc Jagiello (ce dernier montera sur le trône de Pologne sous le nom de Ladislas II Jagellon, fondant la dynastie éponyme) et que Vilnius devient la capitale du Grand-duché. Au début du XV°siècle, le grand-duc Vytautas le Grand, outre de nouvelles conquêtes, remporte, avec ses alliés Polonais, une victoire décisive sur les chevaliers Teutoniques à la bataille de Grunwald (Tannenberg).
En 1569, le royaume de Pologne et le Grand-duché de Lituanie signent l'Union de Lublin qui associe de façon très étroite (un seul souverain et un seul Parlement) les deux États, cela se traduisant par une "polonisation" progressive de la culture lituanienne (le polonais devient langue officielle de la Lituanie à la fin du XVII°siècle). Cette union n'empêchera pas le démentèlement puis la disparition de la Pologne et de la Lituanie dans la deuxième moitié du XVIII° siècle (partages de 1772, 1793 et 1795), l'essentiel de la Lituanie étant absorbée par l'Empire russe...
Pour avoir participé aux insurrections nationales polonaises de 1830-1831 et 1863-1864, le nationalisme lituanien va être durement réprimé par la Russie dans la deuxième moitié du XIX°siècle (interdiction de la presse et de l'édition de livres en lituanien, limitation des droits politiques, persécution du catholicisme, accentuation de la russification). Pourtant, un mouvement national clandestin va continuer à prospérer et, profitant de la révolution de 1905, une assemblée lituanienne (Seimas) est élue et réclame une large autonomie. Les démonstrations de force menées par le pouvoir tsariste et le manque d'assise populaire du mouvement permettent une normalisation rapide de la situation.
Pendant la Première Guerre mondiale, le territoire lituanien va être occupé par les troupes allemandes dès 1915 et il le restera jusqu'en 1918...
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Comme pour les nationalistes lettons et estoniens, l'année 1917 va s'avérer déterminante...
Après la première révolution russe de mars 1917, les autorités d'occupation allemandes, non sans arrière-pensées politiques, soutiennent les nationalistes lituaniens en favorisant l'élection d'un Conseil national en septembre. Lorsque les Bolcheviks s'emparent du pouvoir en Russie à la faveur de la deuxième révolution de novembre 1917, la marche vers l'indépendance s'accélère, celle-ci étant proclamée par le Conseil national lituanien le 16 février 1918 avec Vilnius pour capitale. Le traité de Brest-Litovsk en renforce le principe, en particulier sur le plan territorial, et, en juillet 1918, le Conseil national élit un prince du Wurttemberg, Guillaume d'Urach, roi de Lituanie sous le nom de Mindaugas II. La défaite de l'Allemagne en novembre 1918 vient tout remettre en question...
Les nationalistes lituaniens rentrés d'exil intègrent aussitôt le Conseil national qui annule l'élection de Guillaume d'Urach et proclame la création d'une République de Lituanie dirigée par un gouvernement provisoire. Commence alors une longue période troublée, le jeune État devant faire face à de multiples dangers remettant en cause son existence même.
Le danger bolchevique:
Délivrés des accords de Brest-Litovsk après la défaite de l'Allemagne, les Bolcheviks cherchent à s'imposer dans les provinces perdues. Dès décembre 1918, la Lituanie est envahie et en partie réoccupée. Face aux "Rouges", des groupes d'auto-défense se constituent spontanément tandis que le gouvernement provisoire négocie avec l'Allemagne pour obtenir de l'aide. Celle-ci sera à la fois financière et militaire puisqu'un corps franc de volontaires allemands, principalement saxons, commandé par le général von Eberhardt, est envoyé en Lituanie, à l'instar de la "Division de Fer" du général von der Göltz en Lettonie. Mais la situation se détériore avec la formation d'un gouvernement révolutionnaire qui proclame la création de la République Socialiste Soviétique de Lituanie puis, en janvier 1919, les forces bolcheviques s'emparent de Vilnius et occupent rapidement une grande partie du pays.
En février 1919, les forces lituaniennes défendent victorieusement Kaunas où s'est installé le Gouvernement provisoire puis, soutenues ponctuellement par les volontaires allemands, elles passent à l'offensive au printemps et refoulent l'Armée Rouge jusqu'à la frontière lettone début juin. Lorsqu'en juillet les volontaires allemands quittent le pays, les forces lituaniennes sont désomais confrontées à l'épineux problème du tracé de la frontière avec la Pologne. Toutefois, à partir de septembre 1919, une offensive simultanée des forces lettones et polonaises contre les Bolcheviks dans le secteur de Daugavpils finit de sécuriser la frontière nord de la Lituanie. Des négociations sont d'ailleurs entamées en mai 1920 entre la Lituanie et la Russie soviétique pour aboutir à la signature d'un traité de paix entre les deux pays en juin. Si celui-ci permet la reconnaissance de l'indépendance de l'État lituanien, il comporte en revanche des clauses qui vont exacerber les tensions avec la Pologne...
Le danger polonais:
Lorsque le Conseil national lituanien proclame l'indépendance du pays en février 1918, il précise que Vilnius, pour des raisons historiques, en sera la capitale. Pourtant, d'un point de vue ethnique, les Lituaniens y sont désormais très minoritaires et cela va à l'encontre des prétentions polonaises qui, non seulement revendiquent aussi cette ville et sa région, mais encore ne souhaitent pas vraiment voir la Lituanie accéder à l'indépendance. En effet, l'homme fort de la Pologne, le général Pilsudski, considère qu'au regard du passé commun qui les lie, il serait souhaitable d'intégrer la Lituanie au futur État polonais sous la forme d'un territoire autonome ou du fédéralisme.
Durant la première moitié de l'année 1919 les deux pays ont des intérêts communs dans la guerre qu'ils mènent contre la Russie Soviétique mais, peu à peu, les tensions grandissent lorsque les Lituaniens voient les Polonais prendre le contrôle de régions qu'ils revendiquent également. Dès lors, tout en maintenant sa neutralité dans le conflit qui oppose la Pologne et la Russie Soviétique, le Gouvernement lituanien installé à Kaunas demande à la Conférence des Ambassadeurs alliés de fixer une ligne de démarcation provisoire entre les deux États. Les revendications des uns et des autres étant difficilement conciliables, les deux premières lignes proposées en juin et juillet 1919 sont jugées inacceptables par la Lituanie qui voit lui échapper Vilnius et Grodno tandis que les Polonais, forts de leur offensive victorieuse contre les troupes soviétiques et sûrs de leur supériorité militaire, prennent des libertés avec les limites fixées...
Pourtant, un an plus tard, la situation évolue à nouveau. Entamées fin mai 1920, l'Armée Rouge mène plusieurs offensives foudroyantes contre la Pologne qui la mènent aux portes de Varsovie en août. Profitant de ces circonstances favorables, la Lituanie entame des négociations avec la Russie qui aboutissent à la signature du traité de paix de juillet 1920. Parmi les clauses, les Soviétiques reconnaissent non seulement l'indépendance totale de la Lituanie mais aussi ses droits sur la région de Vilnius alors occupée par l'Armée Rouge. En échange, la Lituanie lui accorde le libre passage des troupes dans ce secteur pour mener à bien les opérations militaires en cours. En outre, les troupes lituaniennes occupent la région de Suvalki et la ville d'Augustow pour y fixer la frontière sud de leur pays.
Le redressement totalement imprévu de la Pologne en août 1920 remet tout en cause. Jusqu'en septembre 1920 des combats opposent troupes polonaises et lituaniennes tandis que le Conseil de la Société des Nations nouvellement créée est saisi par la Pologne qui conteste les gains territoriaux de la Lituanie obtenus dans les semaines qui ont précédé. Une nouvelle ligne de démarcation provisoire est alors fixée lors des accords de Suvalki d'octobre 1920. Mais craignant de voir Vilnius (Wilno) échapper à la Pologne, le maréchal Pilsudski se lance dans un coup de force en ordonnant secrètement au général Zeligowski de s'emparer de la région contestée où est établi un "Gouvernement de Lituanie Centrale". Si entre avril et septembre 1921, la Pologne et la Lituanie entament en vain des négociations à Bruxelles puis à Genève, en janvier 1922, le général Zeligowski fait procéder à l'élection d'une assemblée (la Diète de Wilno) où les représentants pro-polonais sont largement majoritaires. Fin février, cette Diète demande le rattachement de la République de Lituanie Centrale à la Pologne, chose faite fin mars malgré les protestations de la Lituanie qui saisit à son tour le Conseil de la Société des Nations. Ce dernier établit début février 1923 une nouvelle ligne de démarcation laissant la Lituanie Centrale à la Pologne et qui va devenir finalement la frontière entre les deux États jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale...
Après un coup d'État en 1926, la Lituanie devient une dictature fasciste. Comme l'Estonie et la Lettonie, elle sera aussi victime des accords signés entre Hitler et Staline, le pays étant annexé par l'URSS en août 1940. Il proclamera à nouveau son indépendance dès mars 1990 et devra lutter contre les tentatives de normalisation de l'URSS (janvier 1991).
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